Voici donc venu le moment de vous révéler quel est l’objet de mes obsessions depuis le début du confinement il y a plus de deux mois : il s’agit, et je ne suis pas la seule à nourrir cette obsession, du levain. Selon l’ITLSL (Institut Très Local de Statistiques de Lecul, pour ceux qui n’ont pas lu l’article précédent),83% des françaises ont profité du confinement pour démarrer un levain. (j’exclus les hommes car 0% des hommes que je suis sur les réseaux sociaux ont fait du levain et ils fausseraient mes statistiques. En même temps, prendre soin d’un truc qui pue c’est typiquement une tâche affectée aux femmes). Je n’ai pour ma part approché un levain ni de près ni de loin, d’une part parce que pratiquer la fermentation me fait peur (il faut en prendre soin, on peut attraper le botulisme…) et que je préfère laisser cela aux professionnels, d’autre part parce que j’ai eu à la pré-adolescence une première et unique expérience traumatisante avec un levain.
La première fois que j’ai rencontré un levain, je devais être en 6ème ou 5ème. Il s’appelait Hermann, et je parle de lui au passé car il je suis quasiment sûre qu’il est mort (la seule partie de lui encore vivante est celle qui me hante). C’était la fin des années 90, et si vous avez connu cette époque vous savez c’était plus celle des plats préparés et des arômes chimiques que des herbes fraîches que l’on fait pousser sur son balcon et des débats sur la vraie recette des pâtes carbonara. Le fait-maison en général, et le bio en particulier (je ne parle même pas du végétarisme) étaient l’apanage de quelques hippies en chemises en lin et sandalettes de cuir qui faisaient du fromage de chèvre sur le plateau du Larzac (rappelez-vous que j’étais très jeune à l’époque et que j’avais peut-être une vision un tant soit peu erronée des choses). Les seuls pains que je consommais étaient du pain de mie Harry’s (les États-Unis nous vendaient encore du rêve) et la boudinette, un pain tout blanc et très mou, spécialité d’une boulangerie de la ville dans laquelle vivait ma grand-mère.
Bref, quand l’équipe de France de football est devenue championne du monde pour la première fois (désolée, c’est la première référence historique qui m’est venue à l’esprit), je ne savais pas ce qu’était le levain, à quoi ça ressemblait ni quelle était son utilité. Et j’aurais préféré ne jamais croiser sa route.
À la fin des années 90, alors que je portais un pantalon « trompette » avec une robe à fine bretelle, internet existait mais n’avait pas encore pénétré nos foyers (je frissonne à l’idée d’avoir été confinée à ce moment-là). On s’emmerdait un peu, mais on était obligés de faire preuve de créativité. On ne recevait pas encore de chaînes de mails à renvoyer sous peine de subir d’atroces souffrances sur plusieurs générations (équivalent années 2000 des messages à partager si on l’ose sur son mur Facebook) (je suis sûre que vous voyez de quoi je parle. Sinon, vous êtes veinard). Il existait toutefois d’autres types de chaînes qui passaient d’une personne à une autre, et c’est ainsi que j’ai rencontré Hermann.
La suite au prochain épisode…